Fondée en 2017 aux États-Unis, la plateforme en ligne Substack héberge des journalistes, écrivains ou experts qui souhaitent publier leurs écrits de manière indépendante des médias traditionnels. Les lecteurs peuvent ainsi s’abonner à la lettre d’information (newsletter) d’un auteur Substack, qui décide si celle-ci est gratuite, payante (en général $5 par mois, dont 10% iront à la plateforme), ou un mélange des deux. L’idée clé est que le revenu de la plateforme doit venir des lecteurs, et non des annonceurs (il n’y en a pas). Ce modèle économique plutôt audacieux a fait ses preuves, avec aujourd’hui près de 3 millions d’utilisateurs payants sur la plateforme (contre 1 million en 2021).
Le succès de la plateforme se juge aussi sur les auteurs et autrices qu’elle a su attirer. Il y a du lourd. Comme le note l’excellent Yasha Mounk, qui a consacré un épisode de son podcast à Substack et qui lui aussi, tiens tiens, a élu domicile sur la plateforme, l’exode est notable. Dans les écrivains, on trouve notamment la Britannique Elif Shafak et l’Américain Sherman Alexie. Pour les journaleux, Jennifer Rubin (anciennement du Washington Post) et Paul Krugman (anciennement du New York Times). Tous des « A-listers », comme on dit en anglais. C’est aussi le port d’attache de bon nombre de journalistes dits aujourd’hui « hétérodoxes » : Glenn Greenwald (anciennement du Guardian puis The Intercept), Matt Taibbi (anciennement du magazine Rolling Stone), Bari Weiss (anciennement du New York Times), Andrew Sullivan (anciennement des magazines The Atlantic et New York), et bien d’autres. Tous des noms reconnus, qui ont quitté des médias traditionnels pour gagner davantage d’indépendance, avec quelque bruit et fracas, du moins à l’époque.
Ces dernières années, Substack a été assez vertement critiqué pour son « laisser-faire » en termes de modération de contenu. Ce n’est pas le far west non plus – il y a des règles. Mais disons que Substack ne s’appesantit pas sur les sautes d’humeur culturelles qui minent parfois le discours public dans les réseaux sociaux. En bref, si vous écrivez sur Substack, soyez raisonnables et tout ira bien.
Le succès de Substack est réel et a déjà changé le paysage médiatique anglo-saxon, mais comme le note Mounk, cela a pour le moment moins touché les pays Européens autres que l’Angleterre. Ce changement a généré outre-Atlantique des réactions de la part des médias traditionnels allant d’attaques voilées à des articles à charges. Notamment, The Atlantic, qui s’est lancé dans une croisade curieuse pour discréditer Substack. Comme le note Freddie de Boer (sur Substack, where else ?), ces attaques n’ont ni rime ni raison, si ce n’est de discréditer une plateforme qui devient de plus en plus un compétiteur du magazine et de la presse traditionnelle.
À chacun de juger, mais il y a sans le moindre doute bien des choses intéressantes à lire sur Substack, comme par exemple l’excellent The Hinternet.