Lu cet été, le plutôt bon polar judiciaire de Michael Connelly, The Lincoln Lawyer (2005) adapté au cinéma en 2011 avec Matthew McConaughey dans le rôle titre, et désormais une série à part entière sur Netflix, avec cette fois l’acteur Manuel Garcia-Rulfo en tête d’affiche.
Il y a, je dois dire, pour ce genre d’histoires, un savoir-faire à l’américaine qui m’a toujours fasciné, que ce soit à l’écrit ou sur l’écran. Pour les séries policières et judiciaires, les américains donnent le ton, et tous les autres font des efforts pour les imiter, avec plus ou moins de succès – mais peut-être est-ce dès le départ une erreur de vouloir entrer en compétition dans un registre ultra dominé ? Je me souviens comme CSI avait changé la donne, dans les années 2000, et tout le monde s’était empressé de courir après…
Ce contact continu avec la fiction états-unienne a quelque chose d’étrange : on a l’impression de connaître leur système (policier, judiciaire), mais celui-ci reste néanmoins une ‘fantaisie’, un univers parallèle qui n’est pas celui que l’on habite. (Bertrand Tavernier, dans l’Appât, faisait dire à Marie Gillain, ouvrant aux policiers qui venaient perquisitionner : Vous avez un mandat ? À quoi le policier répondait qu’ils n’étaient pas dans un téléfilm américain…)
Mais revenons-en au Lincoln Lawyer. Connelly est un auteur de polar bien établi aux USA. J’avais lu son roman Le Poète, publié en 1996, à propos d’un serial killer. Solide et bien ficelé. Avec Lincoln Lawyer, Connelly s’essayait avec réussite au genre du polar judiciaire, le personnage principal, Mickey Haller, l’avocat à la Lincoln, passe sa vie entre les prisons et les courts de justice de Los Angeles. Son horizon professionnel est fait de clients douteux, parfois criminels, et de prostituées arrêtées en possession de coke. Un va et vient constant entre le pro bono et les clients solvables. Et pour cette première histoire (cinq autres romans suivront), un client fortuné qui promet d’être une bonne vache à lait. Bien sûr, tout ne sera pas aussi simple.
En Europe, on fustige parfois les auteurs et acteurs américains pour leur immersion extrême dans l’univers qu’ils reproduisent. Michel Serrault notait avec humour que lui, contrairement à De Niro, n’avait pas besoin de passer deux mois dans un asile psychiatrique pour jouer un fou… Taquinerie de bonne guerre, et à laquelle les Américains eux-mêmes peuvent participer (voir l’hilarante prestation de Robert Downey Jr. dans Tropic Thunder), néanmoins, il faut bien reconnaître que cet attachement aux détails permet aux auteurs US d’atteindre un degré impressionnant de vérisimilitude.
Dans Lincoln Lawyer, grâce à ce réalisme et à ces détails, on marche, on y croit. Toutes les petites combines, tous les petits tours de Haller, dans ce Los Angeles uniquement judicio-carcéral, crée une ambiance prégnante. Surtout, le poids de ce système, effrayant, ayant son mouvement propre.
Haller appelle ce système la machine, et c’est véritablement le personnage clé du livre…
The Lincoln Lawyer, de Michael Connelly, 2005, Kindle edition, 405 pages.