« Il faut reconnaître une chose à Klaus Schwab : son Forum économique mondial (WEF), qu’on prétend souvent mort, est vivant – et comment ! À part la Russie, il a attiré à Davos une délégation de premier ordre de tous les pays concernés. »
Arthur Rutishauer, rédacteur en chef de la SonntagsZeitung, éditorial du 14 janvier 2024.
Le Ouéf est-il une bonne chose ? Comment le sauré-je ? Je suppose, peut-être, oui et non (ou ‘Jein’, comme disent les allemands). Donnons la parole à nouveau à Rutishauer :
« Ainsi le WEF reste tel qu’il a toujours été : une scène de la vanité, avec la seule prétention d’améliorer le monde. Ce n’est pas parfait, mais au moins c’est quelque chose, pourrait-on dire. »
Ni panacée ni damnée rencontre de « maîtres du monde » (comme dirait Jean Ziegler), le Ouéf n’a peut-être jamais été aussi bien décrit que par le toujours excellent Julien Blanc-Gras, dans son livre Envoyé un peu spécial mentionné sur ce site il y a peu :
« Comme chaque année, pendant une petite semaine, la station accueille sur ses trottoirs verglacés des palanquées de global leaders emmitouflés. Soit deux mille six cents participants venus d’une centaine de pays, élites économiques, politiques et intellectuelles de notre monde […]. Davos : réunion pragmatique pour les uns, symbole du Mal pour les autres. Ce forum est-il un cénacle de philanthropes soucieux d’améliorer le monde (c’est son objectif officiel) ou un meeting de capitalistes irresponsables qui se partagent la planète en fumant le cigare et en mangeant des enfants ? »
Mais aussi : « Dans les discussions, on échappe difficilement aux termes positive thinking ou empowerment, Davos se complaît dans un vocabulaire suffisamment élevé pour sembler chic et assez flou pour être dénué de sens, comme le montre l’utilisation excessive des mots « résilience » ou « paradigme ».
Et enfin: « Davos a tous les atours du havre de paix. C’est la moindre des choses quand on sait que plus de trois mille soldats de l’armée suisse sécurisent le périmètre […].
Situé au sommet de la chaîne alimentaire, l’homme de Davos est prêt à sauver le monde, empreint d’une mission civilisatrice et armé de cet optimisme constitutif du capitalisme. Je m’attendais à du cynisme, et je n’entends que des discours angéliques. Bien sûr, l’homme de Davos n’est pas complétement naïf. Il est surinformé, il sait que le monde va mal. »
En conclusion, et pour paraphraser Louis de Funès : non à Londres, oui à New York, et Davos, et bien je ne sais pas ! Mais lisez Julien Blanc-Gras !