Not the end of the world – Pas la fin du monde – de Hannah Ritchie (2024), sous-titré “Comment nous pouvons être la première génération à construire une planète durable”, est un livre remarquable, riche en graphes et en données, qui refuse la binarité malsaine et simplificatrice qui domine d’ordinaire toute discussion sur l’environnement et la transition écologique. On sort de sa lecture non pas rassuré, mais moins pessimiste (ce qui est déjà beaucoup), et avec un sens plus aigu des idées fausses qui parasitent la discussion.
Hannah Ritchie est chercheuse à l’Université d’Oxford et rédactrice en chef adjointe de la publication en ligne Our World in Data. Ritchie est aussi l’autrice de la newsletter Substack Sustainability by Numbers, nommée l’une des meilleures du site par The Observeren 2023. Ritchie fait des recherches et écrit sur les problèmes globaux qui affectent notre monde : pauvreté, santé, guerre, changement climatique… Son travail ne consiste pas à conduire de nouvelles études, mais plutôt à résumer l’état des connaissances dans un domaine, à offrir une vision d’ensemble.
Dans Not the end of the world, Ritchie survole notamment des domaines clés comme la déforestation, l’agriculture, la pollution, la perte de biodiversité, et bien entendu le changement climatique. Peut-être la plus grande prouesse du livre est de combattre plusieurs idées reçues par trop présentes dans le discours médiatique aujourd’hui. La première est que la situation dans laquelle nous nous trouvons n’aurait jamais été aussi mauvaise dans l’histoire. La seconde, c’est que le monde ne fait rien pour contrer les problèmes globaux, et que nous allons simplement droit dans le mur. La troisième idée reçue est que la solution à tous nos problèmes est une forte décroissance économique. Ritchie pulvérise ces idées reçues avec justesse et mesure.
[Être p]essimiste semble toujours intelligent tandis qu’être optimiste semble sot. Je suis souvent embarrassée d’admettre que je suis une optimiste. J’imagine que ça me fait baisser d’un cran ou deux dans leur estime. Pourtant, le monde a désespérément besoin de davantage d’optimisme. Le problème est que les gens confondent optimisme avec « optimisme aveugle », la foi infondée que tout va simplement s’améliorer. L’optimisme aveugle est vraiment sot. Et dangereux. Si l’on s’assoit et que l’on ne fait rien, les choses ne vont pas aller dans le bon sens. Ce n’est pas de ce type d’optimisme dont je parle.
Hannah Ritchie, Not the end of the world (2024). (Ma traduction.)
Prenons le cas de la décroissance. La croissance économique, et donc la création de richesse, est ce qui a permis à nombre de pays de devenir plus durables, délaissant les sources d’énergie les plus polluantes au profit de nouvelles sources telles le gaz naturel et les énergies renouvelables. De plus, Ritchie note que dans les pays riches d’Europe et d’Amérique du Nord, la croissance économique est désormais découplée des émissions de CO2. C’est-à-dire, la création de richesse augmente tandis que les émissions stagnent ou même diminuent. Ceci n’est bien entendu pas une défense du consumérisme à tous crins : il est évident que nous devons brider les excès de ces dernières décennies, retrouver une certaine mesure. Mais cela n’équivaut pas à bloquer la croissance et le développement.
Ritchie attire notre attention sur le fait que des changements majeurs peuvent survenir en relativement peu de temps. En dix ans (!), de 2009 à 2019, l’énergie solaire photovoltaïque est devenue la moins chère pour la production d’électricité, une réduction de prix de 90%. (L’énergie éolienne n’est pas très loin, avec une réduction de 70%.) Je n’avais jamais cru que l’énergie solaire prendrait la place qu’elle a aujourd’hui, mais tout le monde devrait lire l’époustouflant compte-rendu publié dans The Economist du 22 juin 2024 : l’aube de l’âge solaire. La croissance de la capacité photovoltaïque mondiale est exponentielle et a constamment dépassé les prévisions les plus optimistes. Cette croissance est si forte que l’énergie solaire pourrait devenir la source majeure d’énergie dans le monde avant 2040. Cela a été possible grâce au développement économique et technologique, et de manière notable grâce aux incitations politiques.
Le livre est riche de nuances qui méritent réflexion. L’abus de plastique dans les emballages est certes une mauvaise chose, néanmoins, un total abandon du plastique serait une très mauvaise idée, si l’on tient compte du gâchis alimentaire que cela engendrerait (produire la nourriture génère plus d’émissions que le plastique d’emballage). Consommer local n’est pas toujours synonyme de durabilité (ce que l’on mange importe plus que d’où vient la nourriture). Le Bio n’est pas la Panacée, et l’impact agricole ne peut se résumer à un simpliste Bio vs. Non-Bio.
En résumé, un livre excellent qui invite à rejeter le dialogue de sourd entre les tenants du ‘Circulez, y a rien à voir’, et les prophètes catastrophistes qui nous promettent l’extermination.
Not the end of the world: How we can be the first generation to build a sustainable planet, de Hannah Ritchie, 2024, Vintage, 352 pages.