J’étais ému, je dois le dire, en écoutant la dernière émission du Masque et la Plume présentée par Jérôme Garcin, après 34 ans de service sur France Inter. L’émission ne s’arrête pas là, elle est reprise par Rebecca Manzoni, et je continuerai de l’écouter. Mais pour moi Jérôme Garcin était l’émission : drôle, incroyablement cultivé, stakhanoviste (que d’heures de préparation pour animer avec grâce cette émission sur la littérature, le cinéma, le théâtre…), et d’une intelligence sensible, qui lui a permis de faire évoluer l’émission sans la brader, et qui l’a poussé à rendre son tablier pour qu’elle continue son destin en d’autres mains. Il a tiré le rideau avec une élégance rare qui devrait servir de modèle.
J’avais découvert l’émission en 2009, alors que je vivais pour la première fois à l’étranger, dans un pays non francophone, et que j’étais à la recherche de podcasts qui me maintiendraient connecté à la francophonie. Il y a un plaisir particulier à l’écoute d’une émission critique qui une ambition presque irréalisable : il faut offrir une voix intelligente, savante même, mais aussi un divertissement. Promesse difficile à tenir. La ligne entre honnêteté, mauvaise foi, méchanceté et biais personnels est sans cesse franchie, mais peut-être est-ce là ce qui compte, ce qui rend l’exercice intéressant ?
Lorsque je suis dans un dîner social, il n’y a en gros que deux types de choses qui m’intéressent : un mot intelligent (‘qui fait réfléchir’), ou un mot drôle ou d’esprit. Le Masque et la Plume offre les deux, pas toujours en bon accord, mais l’accord parfait n’existe pas, alors il faut naviguer et tenir la ligne. Jérôme Garcin, aux mannettes de l’émission, guidé par un toucher qu’il avait bien rôdé, tenait toujours la ligne. Ce grand monsieur va me manquer.