Créer un être vivant artificiel !
Sur l’autel de cet espoir dément, contre nature, le professeur a tout sacrifié : sa carrière, son mariage sa vie.
Dans son laboratoire installé au sous-sol de sa propriété, il travaille avec acharnement, s’arrêtant à peine pour s’alimenter, et ne s’accordant que de brefs moments de repos. Soudant, vissant, ajustant. Un androïde a pris forme sous ses mains de chirurgien mécanique. Le corps est de plastique et le squelette de métal. Toutes les fonctions d’un humain ont fidèlement été reproduites : une pompe fait office de cœur, un filtre de rein, des tuyaux de vaisseaux. Il manque le seul élément que le professeur a été incapable de recréer: un cerveau.
Mais la décision du professeur est prise. La science avant tout.
Il appelle son neveu, le fils de sa sœur, qu’il a bien contre son gré recueilli à la mort de cette dernière.
Comme personne ne répond à l’étage, le professeur appelle plus fort.
— Pfff oh, l’autre! répond enfin le jeune ingrat. Ça va être l’heure de mon feuilleton !
Le neveu, un bon à rien, se prélasse devant le poste de télévision à longueur de journée. De toute évidence, il ne sait que faire de ses méninges, tandis que le professeur en a un cruel besoin. Autant qu’elles profitent à quelqu’un !
Le pas traînant du veule neveu se fait enfin entendre dans la cage d’escalier qui mène au laboratoire. Un coup de matraque savamment placé immobilise le jeune homme. Un second, plus fort, met fin à toute discussion.
Vite, il n’y a pas de temps à perdre ! Il faut scier, découper, extraire. En un tournemain le précieux organe est introduit dans sa nouvelle boîte crânienne. Tremblant d’émotion, le professeur abaisse la commande insufflant la vie à l’androïde. Un tressautement secoue le corps, tandis que les paupières se soulèvent. L’être se redresse sur la table d’opération.
Le professeur tombe à genoux, les bras au ciel :
Lève-toi et marche !
— Pfff oh, l’autre! fait l’androïde. Avec tout ça, j’ai sûrement raté mon feuilleton !
FIN