Dompter la bête, je suis encore loin d’y être parvenu. La bête, au 21e siècle, c’est le téléphone portable, le smartphone.
Mon but est celui de tout le monde : n’utiliser le portable que de façon mesurée et raisonnée – en gros, cesser l’usage compulsif, le réflexe conditionné qui nous fait sortir le téléphone de la poche pour un oui pour un non, au moindre prétexte. Plus facile à dire qu’à faire.
Aujourd’hui plus personne ne doute qu’il y a un problème avec le smartphone. On le reconnaît d’autant plus volontiers lorsqu’il est question des jeunes : toujours la tête sur leur écran, accros aux réseaux sociaux qui les rendent malheureux et à côté de la plaque. Pourtant, si l’on commence à regarder les adultes de plus près, on s’aperçoit que le tableau n’est pas bien différent…
Il suffit de prendre les transports publics : dans le bus ou le tram, les trois quarts des passagers (si ce n’est plus) ont le nez dans leur portable, et j’en fais partie. Certains diront qu’avant les gens avaient tous le nez dans un livre ou le journal – et c’est vrai que beaucoup lisent leur journal sur le téléphone (moi-même j’ai les applis de deux grands quotidiens). Mais les livres et les journaux ne sont que ça, des textes que l’on referme une fois lus… La toute-puissance du portable, c’est qu’on ne le referme jamais : on déroule sans cesse, on scrolle sans fin. Il n’y a pas de fin, il n’y a pas de pause.
Pourquoi le smartphone est-il un tel danger pour l’homme ? Justin Smith-Ruiu l’a écrit admirablement dans son grand livre The internet is not what you think it is (ma traduction):
« Cet appareil a globalement intégré bien des choses que nous faisions et a transformé ces choses en divers moyens de s’imposer universellement : l’utilité est devenue compulsive. […] La condensation d’une telle part de nos vies dans un seul appareil, le passage de presque tout ce que nous faisons à travers un seul portail technologique. » Il ne sera pas facile de nous sortir de ce mauvais pas.