Photographie de Herbert Mason, St Paul’s Survives, prise en décembre 1940.
Connie Willis est une auteure révérée. À bientôt huitante ans, cette doyenne de la SF américaine a au compteur pas moins de onze prix Hugo et sept prix Nebula. Un de ces thèmes de prédilection est le Blitz londonien, qu’elle a illustré dans plusieurs nouvelles et romans, en particulier le dyptique Blackout/All clear, qui lui valut le triplé gagnant Hugo-Nebula-Locus en 2011, excusez du peu !
Je n’ai pas beaucoup lu Willis, et encore aucun roman, mais je possède une collection de nouvelles sur mon Kindle, The winds of Marble Arch and other stories (2007), dans laquelle je pioche parfois, et qui contient l’une des nouvelles les plus drôles que je connaisse : Ado. (Écrite en 1988, cette nouvelle presciente anticipe de manière surprenante les dérives du politiquement correct qu’on a pu connaître dans les années nonantes et surtout durant les deux dernières décennies. Il y a une filiation directe avec le Mania de Lionel Shriver.)
J’ai lu récemment dans ce recueil-là une longue nouvelle, Fire watch (en français Les veilleurs du feu), dans laquelle un historien voyageur dans le temps se retrouve en plein Blitz, parachuté (au figuré) dans la fire watch, l’équipe chargée d’assurer nuit et jour que la cathédrale Saint-Paul ne termine pas en ruines par la faute des bombes incendiaires nazies. Un joli texte, assez touchant même, dont le thème principal est l’individualité des destins humains qui sont bien souvent cachés ou oubliés derrière l’histoire avec un grand h. Mais on est là dans une science-fiction qui ne s’intéresse guère au thème classique du genre (le paradoxe temporel), et qui ne s’embarrasse pas d’explications (comment le personnage voyage-t-il dans le temps ? on n’en saura rien).
Publié en 1982, Fire watch se trouve aujourd’hui plus ou moins à équidistance temporelle de son sujet, c’est-à-dire, autant de temps nous sépare de sa publication que de temps séparant la publication du Blitz. Mais quelle que soit la distance temporelle, les événements apocalyptiques de la Seconde Guerre mondiale défient toujours toute comparaison. La grande réussite de Willis est de nous lier émotionnellement à ces événements historiques grâce aux personnages et aux situations fictionnelles.
Fire watch a obtenu les prix Hugo et Nebula lors de sa publication, dans la catégorie ‘novelette’. Alors qu’en littérature française tous les textes de fiction se classent grosso modo soit dans la catégorie nouvelle, soit dans la catégorie roman, il faut dire que les Anglo-Saxons ont plus le sens du détail. Ainsi entre la nouvelle (‘short story’) et le roman (‘novel’), on trouve donc la novelette (une longue nouvelle) et la novella (un court roman). Cela peut avoir son utilité, et à tout le moins cela permet de créer plus de catégories pour les prix…
- The winds of Marble Arch and other stories, de Connie Willis, 2007, Subterranean, 700 pages.