Encore un auteur qui était de longue date sur ma liste. Marc Voltenauer, j’avais vu ce nom revenir encore et encore. Un auteur suisse ? De polar ? Il fallait que je répare ce manque, et voilà que je tombe sur une copie poche (chez Pocket) de Qui a tué Heidi ? (2017), son deuxième roman, lors d’une visite chez mon fournisseur habituel de seconde-main. Plus d’excuses, donc.
Voltenauer a la très bonne idée de placer le cadre de ce roman (et sauf erreur de plusieurs de ces romans) dans les Alpes vaudoises. L’Heidi du titre, voyez-vous, est de l’espèce bovine, de la race Simmental, pour être précis. Ça nous change des États-Unis, no offense à nos amis d’outre-Atlantique et à Joël Dicker. La trame tourne donc autour du village montagnard de Gryon – que je ne connais pas du tout, quand j’étais gamin nous allions à Leysin pour le ski, qui n’est pas très loin – qui semble subir une vague de crime inhabituelle car le premier roman de l’auteur (Le Dragon du Muveran) les avait déjà flanqués d’un serial killer. Qui aime bien châtie bien.
Le cadre, donc, est une bonne idée. On se balade à Gryon, mais aussi dans plusieurs villes de Suisse. Je suis un peu moins enthousiaste sur le reste. Alors oui, Voltenauer fait le job. Ça se lit plutôt vite, même si c’est un tantinet longuet (plus de cinq cents pages, tout de même). Il y a de bons moments. Mais puisque j’ai lu au moins trois polars et demi dans ma vie, je me sens obligé, bon gré mal gré, de pointer quelques faiblesses. Aucune franchement rédhibitoire – c’est plutôt l’accumulation de ces petites choses qui finit par plomber l’ensemble.
Les personnages, en première ligne l’inspecteur Andreas Auer (avatar de Voltenauer, on l’aura compris), sont assez falots. Ça peut passer, mais ça n’aide pas. La prose est quelconque, et l’auteur n’a pas une grande oreille pour les dialogues. Il souffre aussi du syndrome des chapitres de trois pages, sans doute contracté après lecture de Dan Brown. Et une chose à laquelle je suis sensible : on cherchera en vain quelque trace d’humour.
Mais je reviens sur cet inspecteur Auer, qui se fait mousser en se prenant pour Dirty Harry (qu’il cite verbatim dans le roman), et qui porte un holster en cuir pour son flingue !… Auer est tout dans l’apparence : il conduit une grosse cylindrée, porte une veste en cuir… (pour une référence francophone similaire, je préfère Belmondo dans Le Marginal), mais à la maison, c’est du plan-plan soporifique. Lui et son jules aiment se préparer de bons petits brunchs et vont déguster des plats véganes chez la frangine de l’inspecteur. À se tirer une balle, je vous jure. La plupart des personnages sont sur la même ligne de mire. Mention spéciale à l’équipe de police, qui sont tous cons comme des balais. Je sauverais peut-être, au repêchage, le paysan Antoine, le propriétaire de la vache Heidi du titre, qui est somme toute sympathique, et qui aime ses bêtes, c’est déjà quelque chose.
L’intrigue entrecroise deux trames, l’une concernant une embrouille immobilière et un tueur à gages (falot, lui aussi), l’autre un meurtrier détraqué qui kidnappe des femmes. Rien de révolutionnaire, rien de honteux non plus, on suit ça avec un intérêt mou, la faute à un texte qui tire trop en longueur. C’est qu’on digresse beaucoup chez Marc Voltenauer. Beaucoup de dîners où on nous décrit ce qui se mange et se qui se boit (« Andreas commanda en entrée le fameux feuilleté au fromage d’alpage et Mikaël opta pour une tarte aux légumes »). Il y a de longs passages sur les cigares, qui font bâiller (« Andreas ouvrit son humidor, tendit la main vers un Robusto de Cohiba, se ravisa et lui préféra un Montecristo Edmundo d’une très belle cape grasse »). Sur la pratique du Jass (« Posséder le roi et la dame d’atout dans son jeu donnait vingt points supplémentaires à l’équipe »). J’en passe et des meilleurs.
Bref, Qui a tué Heidi ? c’est un peu la fondue Gerber du polar suisse. On s’y fait s’il n’y a rien d’autre sous la main, mais on lui préférerait quelque chose de plus corsé et goûteux.

- Qui a tué Heidi ?, de Marc Voltenauer, 2017 (2019 pour la parution poche), Pocket, 546 pages.