Cela fait quelques années déjà que je n’avais pas lu de roman de Fantasy, quand bien même j’ai toujours eu un faible pour le genre, et que j’ai publié une nouvelle dans une anthologie sur les dragons. Il fallait réparer ça, et j’avais à cœur de lire de la Fantasy francophone, car nos amis Français ont beaucoup de bons auteurs actifs dans ce domaine.
Depuis des années, je lorgnais du côté de Pierre Pevel et de ses Lames du Cardinal. Sorti en 2007 (déjà !), le bouquin nous propose une aventure à la Trois mousquetaires, mais mâtinée de dragons. Le livre a eu un joli succès et a connu deux suites. Moi qui aime les histoires de cape et d’épée et les histoires de dragons, je ne pouvais pas faire l’impasse sur cette lecture plus longtemps.
Pevel vient du monde du jeu de rôles, et ça se sent, avec un monde détaillé, une carte du Paris du 17e en incipit, et une foultitude de personnages, dont un certains nombres historiques ou prélevés de l’œuvre de Dumas : le cardinal Richelieu (bien obligé, eh, il est dans le titre du livre !), Rochefort, le capitaine de Tréville, et même Athos le mousquetaire dans un caméo.
Les Lames du Cardinal se lit vite et avec plaisir. Pevel écrit bien, une belle langue classique, précise, documentée, efficace. Donc bel artisanat et littérature populaire, dans le bon sens du terme. Aucune publicité mensongère sur la marchandise : on aura notre dose de duels, d’intrigues, de complots et de trahisons. Ça foisonne de personnages, la plupart plutôt bien campés. Je serais un peu plus circonspect sur l’élément Fantasy. Certes, il y a des dragons. De trois types, en fait : des dragons ‘classiques’, nommées vyvernes ; des dragonnets, petits dragons devenus animaux de compagnie ; des dragons à forme humaine, ou les descendants de ceux-ci. Les deux premiers types ne jouent somme toute qu’un rôle secondaire dans l’histoire. Le troisième type, c’est dans l’histoire l’ennemi principal, la société secrète de la Griffe noire, qui fomente des conspirations et cherche à asseoir son pouvoir et sa domination. Las, le problème est que pour l’histoire ces dragons à forme humaine pourraient bien être simplement des humains, ça ne changerait pas grand-chose à l’intrigue.
L’intrigue, voilà un autre bémol que j’émettrais. Le début des Lames fonctionne bien, c’est le classique ‘formons le groupe’, où l’on va découvrir les différents personnages. (Peut-être y en a-t-il un peu trop, des personnages, d’ailleurs. Six lames, plus deux ou trois ennemis, on s’y perd un peu au début…) Mais le second acte s’éparpille un peu. Il faut dire que les Lames ont reçu une mission du Cardinal sans en connaître vraiment les tenants et les aboutissants, ce qui veut dire malheureusement que nous non plus, lecteurs, n’y voyons très clair… Le livre se termine sur un final intéressant, avec une cérémonie draconique, mais on pourrait regretter qu’il n’y ait pas eu vraiment de montée en tension nous amenant vers ce final – il n’a pas été particulièrement préfiguré.
Mais bon, rien là de vraiment rédhibitoire. Ne boudons pas notre plaisir, les Lames de Pevel est un roman qui vaut le détour.
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- Les Lames du Cardinal, de Pierre Pevel, 2024, Gallimard Folio Fantasy, 394 pages.