Dessin de Chappatte pour le Boston Globe.
En novembre dernier, dans ce billet, je reprenais les propos d’Arthur Rutishauer, soutenant que Trump n’était pas plus un fasciste que Harris une communiste. Cela me semblait mesuré et sensé. Et bien, plus tant que ça aujourd’hui. Moi qui ai en horreur le suremploi de l’adjectif ‘fasciste’, je veux bien reconnaître que Trump a désormais mérité le qualificatif. Et cassons le suspense, ce n’est pas parce qu’il a réhabilité la paille en plastique (ce qui était somme toute plutôt une bonne idée).
La raison en est le démantèlement des instances gouvernementales, le mépris pour l’état de droit et, tout dernièrement, l’ordre donné aux agences d’arrêter les « ennemis intérieurs ». (Je n’aborderais pas ici le comportement erratique sur l’économie et au-delà, qui vaudrait un internement à un citoyen lambda.) L’arrestation en vue de déportation d’un détenteur d’une carte verte (c’est-à-dire un résident légal et pas un détenteur de visa) est une vraie claque. Comme le note Michelle Goldberg dans le NYT, on avait plus vu une telle chasse aux sorcières aux US depuis l’anti-communisme des années cinquante : « Si une personne se trouvant légalement aux États-Unis peut être arrêtée à son domicile pour avoir participé à une activité politique protégée par la Constitution, nous sommes dans un pays radicalement différent de celui que nous habitions avant l’investiture de Trump. »
Et ce n’est pas que les commentateurs libéraux. Le commentateur de droite Andrew Sullivan (d’origine britannique et naturalisé américain) le dit sans ambiguïtés :
« L’administration a clairement indiqué aujourd’hui qu’elle expulsait Mahmoud Khalil non pas parce qu’il a commis un crime ou violé les conditions de sa carte verte, mais uniquement parce que ses opinions sont hostiles aux objectifs de politique étrangère des États-Unis. C’est la norme. Si vous êtes titulaire d’un visa ou résident permanent, vous pouvez être arrêté et expulsé si vous défendez des opinions qui nuisent aux intérêts de la politique étrangère des États-Unis. »
Et Charles Cooke, dans les pages du magazine très conservateur National Review :
« Le président Trump risque de gâcher son second mandat avant même qu’il n’ait atteint la barre des deux mois. […] Comme ce fut le cas pour les Démocrates, les préoccupations, les présomptions et les critiques du mouvement MAGA sont totalement étrangères à la vie de l’Américain moyen. Le public veut une économie florissante, la sécurité des frontières, la fin de la folie illibérale qu’est le wokisme – et c’est à peu près tout. […] L’accession du Canada au 51e rang des États-Unis, l’achat du Groenland, la perception actuelle de Tesla, le « Golfe d’Amérique », les infractions réelles ou imaginaires de législateurs choisis au hasard, les rancunes et les théories du complot des utilisateurs de Truth Social – tout ça ne sont que des assouvissements stupides et superflus. »
Et même la très perspicace commentatrice Alice from Queens (dont on ne connaît pas l’identité) reconnaissait une erreur de jugement :
« La Maison Blanche ordonne la détention [de Khalil] pour des motifs futiles et extravagants. Les forces de l’ordre obtempèrent. C’est un scénario catastrophe qui ne s’est pas produit lors du premier mandat de Trump. J’avais pensé que son premier mandat serait le meilleur indicateur de son second, mais cette opinion ne vieillit pas très bien. »
L’erreur était donc de penser que le second terme du Président Trump serait une réplique du premier. C’était mésestimer à quel point les Mike Pence et consorts ont su garder Trump plus ou moins sous contrôle, ou du moins bloquer ses impulsions les plus idiotes et dévastatrices. Aujourd’hui, il n’y a plus personne. Ils sont partis ou ont définitivement embrassé le culte du lider maximo. Nous vivons des temps étranges et effrayants. Espérons que cette grande nation qu’est les États-Unis puisse encore se ressaisir. Il y a encore de l’espoir.