Photo de Maurice Chappaz par Peter Friedli. Source.
Maurice Chappaz est le poète suisse romand de la nature et de la montagne. Il a traversé le XXe siècle : né en 1916 et mort en 2009 (la même année qu’un autre grand de la littérature suisse, l’écrivain Jacques Chessex). S’il a beaucoup arpenté le Valais, il a également accompli de nombreux voyages autour du monde.
Je suis retombé sur une vieille copie que je possédais de son Testament du Haut-Rhône (1953), un long poème en prose que j’avais déniché chez un bouquiniste et lu il y a une vingtaine d’années.
Plaisir de relire cette écriture pure, minérale, élevée, qui sied bien aux roches et torrents du Valais qui l’ont inspirée. Chappaz (à qui l’on doit aussi un Portrait des Valaisans – que je n’ai pas lu) observe avec tristesse la modernité grignoter la paysannerie et les montagnes. Nostalgie du passé, de la simplicité, et surtout d’une forme de beauté. Et aussi un désir pour la mystique, pour ce qui est caché, secret, mais que l’être humain peut toucher.
Je dis de ce temps : « Je ne l’aime pas. » Je vais en rêvant vers ma demeure d’inquiétude. Doucement le Rhône des paysans soupire, ma lyre était lyre de bestiaux. Les âpres villages paralysés suivent l’orbe des graines de sésame : os, huile, lumière. […] Nous vivons la grande rupture. Vous, vous avez choisi les œuvres du jour, le zénith, midi, moi je suis tourné vers l’humanité mystique, les cavernes, les eaux qui mugissent sous les montagnes.
Maurice Chappaz, Testament du Haut-Rhône (1953)
Cette lecture est aussi un vrai plaisir des mots, mots rares tirés du vocabulaire paysan, religieux ou antique : oblation (offrande à Dieu), traluire (devenir translucide, comme la peau du raisin à maturation), stylite (ermite qui vit en haut d’une tour), méteil (mélange de blé et de seigle), évohé (cri poussé par les bacchantes en l’honneur de Dionysos), hoplite (fantassin de la Grèce antique), aède (poète chantant des épopées), et bien d’autres encore…
- Testament du Haut-Rhône, de Maurice Chappaz, 1966 (première édition 1953), Editions Rencontre, 99 pages.