Illustration de The Atlantic. Source: Lex Fridman / YouTube.
Donald Trump était l’invité exceptionnel du podcast de Lex Fridman il y a quelques jours. L’interview d’une petite heure est quelque chose d’un autre monde.
Fridman, comme je l’écrivais ici, reste une énigme pour moi. Fridman, qui est ouvertement l’ami intime d’Ivanka Trump et Jared Kushner, a ainsi reçu l’ancien président et candidat pour une interview dans laquelle les questions vont du sérieux (le refus d’accepter les résultats de la précédente élection, le discours sur l’immigration) au trivial voire embarrassant (pourquoi Trump a-t-il dit du mal de Joe Rogan, est-ce qu’il publie ses tweets juste pour provoquer).
Écouter les réponses de Trump a un effet hypnotisant. Les mots semblent sortir de sa bouche sans qu’il y ait toujours une connexion avec la question posée ou avec ce qui a immédiatement précédé. Ses tics de langage sont partout : « c’est terrible ce qui se passe dans notre pays », « j’ai d’excellentes relations avec… », « on n’avait jamais rien vu de tel », « on verra comment ça se passe », etc. Le bullshit est plus qu’une seconde nature chez Trump – il atteint une quasi forme d’art.
Fridman n’intervient pas ou peu pour stoper la logorrhée. S’il essaie parfois d’approfondir une question que Trump a ignorée, la plupart du temps il se contente de passer à autre chose. Mais, nous assure-t-il, il espère interviewer davantage de politiciens, et à devenir meilleur à l’exercice. Et il n’oublie jamais de nous rappeler que l’amour est la plus grande force là-dehors. (En cela il n’a pas tort, mais mieux vaut ne pas trop insister là-dessus, sauf quand on est Jésus.)
Dans le magazine américain The Atlantic, Helen Lewis a un article éclairant et hilarant sur cette nouvelle passion trumpienne pour les podcasts. Intitulé ‘la tournée podcast red-pill de Trump’, le papier note que Trump court les podcasts, mangeant à tous les râteliers, avec des podcasteurs douteux issus de la ‘manosphère’. Comme le note Lewis, Fridman est un peu à part dans cette histoire, car il a débuté comme chercheur en intelligence artificielle et il « ne fait pas partie du circuit des imbéciles (‘dipshit circuit’) ». Trump passe ainsi beaucoup de temps avec les bros, espérant convaincre leur large public de voter pour lui.
Mais Lewis note un point essentiel à propos de ces podcasteurs :
« En enchaînant ces apparitions [de Trump] dans les podcasts, une évidence émerge : ces types sont incapables de l’interrompre. Leur handicap doit être le produit des étranges normes de bienséance dans le circuit des podcasts, combinées au fait que ces rencontres sont libres des contraintes d’horaire des programmes de télévision. »
Et elle conclut son article ainsi :
« Radotant, fantaisiste, ignorant les faits : le style podcast a mangé la politique américaine. »
Touché.