De temps à autres, je relis avec plaisir cette comédie légère d’Oscar Wilde, une courte pièce en trois actes (les pièces de Wilde sont disponibles gratuitement sur le site Project Gutenberg). On y suit les démêlés amoureux de Jack et Algernon, deux jeunes artistocrates bien décidé à épouser l’élue de leur cœur (Gwendoline et Cecily, respectivement), malgré les obstacles qu’ils rencontrent tout le long de la route. C’est bourré des traits d’esprit de Wilde, de cet humour qui joue sur l’étiquette et les codes, mais aussi l’absurde, les jeux de mots, et des personnages qui proclament toujours l’exact opposé de ce qu’on attendrait.
Le titre joue sur l’homonymie entre l’adjectif ‘earnest’ (honnête, sérieux) et le prénom ‘Ernest’. En français, la traduction la plus usitée est ‘L’importance d’être Constant’, mais d’autres traductions existent, dont celle de Jean et Nicole Anouilh, qui fut la première que je lus : ‘Il est important d’être Aimé’. Ernest, voyez-vous, c’est le frère cadet imaginaire – et mauvais garçon – que s’est inventé Jack pour justifier ces escapades à la ville. Algernon n’est pas en reste, lui qui a créé de toute pièce un ami valétudinaire, du nom de Bunbury, pour expliquer ces fréquentes visites à la campagne. C’est rapide, malin, bien enlevé, parfois franchement hilarant. Peut-être la meilleure comédie théâtrale de Wilde ?
Comme beaucoup de pièces, je ne l’ai que lue, jamais vue jouer. Un mal à réparer, un jour… Florilège d’esprit Wildien (ma traduction) :
JACK : Ceci, mon cher Algy, est toute la vérité, pure et simple.
ALGERNON : La vérité est rarement pure et jamais simple. La vie moderne serait très pénible si elle était l’une ou l’autre, et la littérature moderne une complète impossibilité.
LADY BRACKNELL : Vos parents sont-ils en vie ?
JACK : J’ai perdu mes deux parents.
LADY BRACKNELL : Perdre un parent, M. Worthing, peut être vu comme de la malchance ; en perdre deux ressemble à de la négligence.
GWENDOLINE : Je ne voyage jamais sans mon journal intime. On devrait toujours avoir quelque chose de sensationnel à lire dans le train.
ALGERNON : Les docteurs ont découvert que Bunbury ne pouvait vivre, c’est ce que je voulais dire. Alors Bunbury est mort.
LADY BRACKNELL : Il semble avoir eu grande confiance dans l’opinion de ses médecins. Je suis heureuse, néanmoins, qu’il se soit enfin décidé pour un plan d’action définitif, et qu’il ait suivi un avis médical approprié.
JACK : Gwendoline, c’est une chose terrible pour un homme de découvrir soudainement que, durant toute sa vie, il n’a dit que la vérité. Pourrez-vous me pardonner ?
