Florides helvètes est le nom d’une collection de poche dédiée à la littérature suisse. Je suis un peu en retard à la fête – la collection est née en novembre 2021, en plein covid –, mais je ne vais pas bouder mon plaisir d’avoir découvert ce beau catalogue.
La collection compte notamment dans son comité éditorial Pascal Vandenberghe, l’ex-patron de Payot, ainsi que l’éditeur et traducteur Mark Despot. Le fonds de commerce de Florides helvètes, c’est le catalogue Poche Suisse racheté aux Editions l’Âge d’Homme, dont beaucoup de titres étaient épuisés. En plus de ce catalogue, Florides helvètes publie des auteurs suisses plus contemporains, tels Noëlle Revaz ou Thomas Sandoz, qui ont une belle carrière et ont publié chez des éditeurs français reconnus (respectivement Gallimard et Grasset).
L’intérêt de Florides helvètes est aussi de publier en français des auteurs suisses écrivant dans toutes les langues nationales : allemand, français, italien et romanche. (Avec néanmoins, et c’est normal pour un éditeur lausannois, une prépondérance d’écrivains suisse romands et donc francophones.) La collection a un design qui me plaît beaucoup : une jaquette blanche mettant en avant la même figure géométrique en diverses déclinaisons de couleurs, pour un résultat qui me fait penser au graphisme des années septante.
Pour l’occasion, j’ai lu le roman de Thomas Sandoz, Croix de bois, croix de fer, paru en 2016 chez Grasset et repris par Florides helvètes en 2023. Le narrateur se retrouve coincé par les intempéries dans un hôtel décrépi de l’Oberland bernois, où il assiste à une conférence donnée en l’honneur de son frère, missionnaire en Afrique et qui est mort dans un accident. La majeure partie du roman consiste en des souvenirs d’enfance et d’adolescence partagés par le narrateur, qui nous montre le frère défunt sous un jour peu flatteur. Le narrateur n’a d’ailleurs jamais digéré l’autobiographie publiée par son frère, dans laquelle il était lui-même plutôt maltraité. Ça n’aide pas que la conférence à des relents d’hagiographie qui ne veut pas dire son nom.
Ce qui m’a frappé tout d’abord, c’est le style de Sandoz. Très classique sur la forme, narration au passé simple et très peu de dialogues, vocabulaire souvent assez soutenu (on rencontre par exemple ‘prosodie’ ou encore ‘thébaïde’), donc typiquement l’inverse de ce qu’on vous recommanderait dans un atelier d’écriture aujourd’hui. Mais cela passe, pour plusieurs raisons, et non la moindre un humour grinçant qui court tout le long du roman. Le langage soutenu passe également car le narrateur à la première personne est docteur en histoire, on est donc dans un registre qui n’est pas farfelu. Quant au peu de dialogues, c’est sans doute pour le mieux car ils ne semblent pas être unes des forces de l’auteur (mais ça reste un détail).
Le roman est une bonne surprise, sur un thème original (le missionariat et la ‘bonne conscience’). Les détails sont si bien rendus, les anecdotes si vraisemblables, qu’on pense à un récit autobiographique (le narrateur est docteur en histoire, Sandoz docteur en psychologie…). Mais l’auteur nous prévient en début d’ouvrage qui si certains faits et témoignages sont inspirés du réel, les personnages sont fictifs.
- Croix de bois, croix de fer, de Thomas Sandoz, 2023, Florides helvètes, 272pages.