Photo: Martin Meissner/AP
Samedi 11 mai, l’artiste biennois Nemo a remporté de belle manière le concours eurovision de la chanson avec son titre ‘The Code’. Hop Suisse ! Bravo à Nemo, qui possède une voix au registre véritablement incroyable et qui a chanté live durant sa performance (une des règles importantes du concours) – j’avoue, j’étais sur les fesses.
C’était je crois seulement la seconde fois que je regardais le concours en entier, la première fois datant déjà de 2009, alors que je me trouvais aux Pays-Bas, dans la Guest house d’un centre de recherche que je venais de rejoindre, suivant le programme avec une bande de scientifiques venant de tous les coins d’Europe et d’ailleurs, c’est-à-dire de parfaites conditions pour ce type de divertissement ! Donc je suis loin d’être un aficionado, mais le buzz entourant la performance suisse était suffisante pour me convaincre (rendez-vous compte : peut-être pourrions-nous gagner sans chanteuse québécoise !…).
Alors me revoilà devant mon écran, quinze ans plus tard, pour suivre le concours à nouveau. Première impression alors que les premières chansons s’égrènent : le niveau a-t-il monté ? Les artistes me semblent meilleurs que dans ma mémoire – notamment l’Ukraine a une chanson très bien fichue, excitante même. Puis je note l’impressionnante technique : éléments de décors amovibles et versatiles dardés de LED, écrans LCD à même le sol qui permettent de projeter des images en haute définition, incroyable régie qui mixe avec des dizaines d’angles de caméras sans le moindre couac (mais comment font-ils pour gérer ça en live ? Programmation ? IA ?). Je n’avais encore jamais rien vu de tel.
Fort heureusement, le concours comportait encore suffisamment de ses numéros qui font son charme. Vous savez, ces performances un peu grotesques, un peu embarrassantes, un peu WTF. Et même un total OVNI, les Finlandais avec Windows95Man (sérieusement !…), qui je le confesse m’a bien fait rigoler. Et même les favoris, les Croates de Baby Lasagna (sérieusement !…), ça frôle le grand n’importe quoi estampillé Eurovision. Mais l’on parle du concours qui a inspiré le film de Will Ferrell The Fire Saga, alors…
Néanmoins, à Malmö tout n’était pas aussi rose que le pull de Nemo, ceci à cause des manifestations propalestiniennes et des appels au boycott de la chanteuse israélienne. Fallait-il empêcher sa participation ? Question épineuse. En règle générale, je suis contre les décisions qui punissent les citoyens pour les crimes de leur gouvernement. De plus, l’ostracisation des citoyens israéliens ne peut être que contre-productive, les forçant de facto à serrer les rangs avec leurs dirigeants. Le gouvernement détestable de Netanyahu mène une guerre responsable d’une crise humanitaire effroyable à Gaza. Mais je ne peux m’empêcher de ressentir une gêne certaine devant des manifestants qui, d’après l’édito d’Andreas Kunz aujourd’hui dans la Sonntagszeitung, scandent ‘Renvoyez les Juifs en Pologne’ ou encore ‘Sinwar, nous ne te laisserons pas mourir’ (en référence au leader de cette congrégation de bouchers sanguinaires connue sous le nom de Hamas). Kunz suggère même que Greta Thunberg aurait scandé ces propos. Cela mériterait d’être confirmé, car si avéré, ce serait bien triste pour une jeune femme qui sert de modèle à beaucoup d’enfants et d’adolescents grâce à son engagement pour le climat. Pour terminer, je comprends le malaise exprimé par Ross Douthat dans le New York Times, à savoir que certains instigateurs des manifestations propalestiniennes (aux Etats-Unis, mais cela s’applique plus largement) ‘semblent […] parfaitement à l’aise de soutenir pas seulement des négociations pacifiques, mais également une lutte révolutionnaire menée par des Islamistes fanatiques’.
Comme le note Nemo, lors de sa conférence de presse suivant sa victoire, en se référant à la représentation des artistes queer, ce dont on a besoin dans ce monde, c’est de davantage de compréhension et d’empathie. C’est vrai et, suis-je tenté d’ajouter, c’est vrai partout et dans tous les domaines.