De l’américain Kurt Vonnegut, je ne connaissais jusqu’ici que Abattoir 5 (1969), son roman le plus célèbre, lu il y a plus de vingt ans. Grand roman, histoire étrange mêlant extra-terrestres et souvenirs de la Deuxième Guerre et du bombardement de Dresde, que Vonnegut a vécu lui-même alors qu’il était prisonnier de guerre des Allemands.
Mais voilà que j’ai été attiré récemment par Les sirènes de Titan (1959), son second roman, derrière une magnifique nouvelle couverture dans la collection SF Masterworks de l’éditeur britannique Gollancz. Roman avec pour le coup tout l’attirail SF : voyages interplanétaires, singularités spatio-temporelles, invasion martienne et soucoupes volantes, j’en passe et des meilleures ; mais roman qui ne se prend aucunement au sérieux, quand bien même il jongle avec des thèmes qui eux le sont au plus haut point, comme le sens de la vie ou le libre arbitre.
Il y a surtout cette mentalité, cette humanité, cet humour tragique qui me rappelle Catch-22 (1961), le chef d’œuvre de Joseph Heller. Si Les sirènes de Titan n’atteint pas le génie du roman de Heller, on ressent, il me semble, la marque indélébile de l’expérience de la Seconde Guerre mondiale. Il y a chez les deux auteurs ce sentiment que notre destin n’est pas entre nos mains, que nous sommes ballotés par des forces plus grandes que nous, mais des forces injustes et absurdes.
Le philosophe Massimo Pigliucci a signé un excellent commentaire du livre sur le site Goodreads, et comme il le note il y a dans le roman de Vonnegut quelque chose qui inaugure The Hitchhiker’s Guide to the Galaxy, mais avec « un sens de l’humour plus subtil, et plus de profondeur philosophique ». Il y a assurément une scène à la fin du roman qui nous rappelle Hitchhiker et la recherche de la réponse finale à la vie, l’univers, et le reste. Les personnages de Vonnegut, comme le note encore Pigliucci, nous donnent la réponse : « un but de la vie humaine, peu importe qui la contrôle, est d’aimer quiconque est là pour être aimé ».
- The sirens of Titan, de Kurt Vonnegut, 2023, SF Masterworks, Orion/Gollancz, 272 pages.