C’est l’années dernière que j’ai découvert Les Poches du Diable, la collection de poche lancée en 2020 par les éditions Au Diable Vauvert pour célébrer leur vingt ans d’existence. Et bien leur en a pris ! La collection compte désormais une quarantaine de titres, d’auteurs francophones ou non. Vincent Ravalec, Poppy Z. Brite, Charles Bukowski… Mais aussi un nombre non négligeable d’auteurs de SF (et c’est tant mieux) : Pierre Bordage, Octavia Butler, Joëlle Wintrebert, William Gibson. On retrouve donc l’intéressante diversité de genre du Diable Vauvert dans cette collection de poche. Et l’objet me plaît bien, on est dans un format plus petit mais plus épais que par exemple un Folio ou un Livre de Poche. (Le test de la poche de veste est concluant, le livre s’y loge bien et s’y sent à l’aise.)
Parmi les premiers titres ayant ouvert la collection, on trouve notamment Sainte-Croix-les-Vaches, de Vincent Ravalec, premier volet de la trilogie du même nom (le dernier volet étant sorti en 2023). Dans une bourgade campagnarde du Sud-Ouest de la France, le maire et personnage principal Thomas Sordet mène tranquille son petit business de paysan-voyou, qui va des faux-papiers aux serres de cannabis, quand voilà que débarque une citadine fraîchement élue députée de la région, et pleine d’illusions sur la campagne. La 4e de couverture fait référence aux Tontons flingueurs, pour ma part j’ai plutôt songé à Fantasia chez les ploucs. Mais pour l’humour on est quand même bien en dessous du livre de Charles Williams… Sainte-Croix-les-Vaches n’est pas vraiment raté, pas vraiment réussi non plus… Ca se lit vite, ça fait sourire, il y a des bonnes trouvailles (« La beuh bio qu’il cultivait serait une bouffée d’oxygène », p. 119), et de bonnes idées pour l’histoire, comme une virée en tracteur avec un paysan aviné et suicidaire. En dépit de ses bonnes idées, le livre ne décolle jamais vraiment du plancher des vaches pour moi, je reste sur ma faim. Et problème qui me tape sur les nerfs, aucune véritable conclusion au roman. Oui, bien sûr, c’est une trilogie, mais il y a quand même moyen, il me semble, de fermer davantage de portes dans le premier opus. Je ne sais si je lirai les deux volets suivants ; je suis davantage tenté de relire Cantique de la racaille, le premier et très bon roman de Ravalec, que j’ai lu il y a plus de vingt ans.
Toujours dans la collection des poches du Diable, j’ai été bien plus convaincu par la nouvelle édition du premier roman de l’auteur suisse Antoine Jaquier, l’excellent Ils sont tous morts (publié en 2013 chez L’Âge d’homme). À nouveau une histoire de campagne, mais on quitte les Causses en France pour le canton de Vaud, en Suisse, qui se trouve être mon canton natal. Une bande de potes toxicos, certains encore adolescents, s’ennuient dans leur bled paumé ; ça boit, ça fume, ça baise, mais eux rêvent attaque de banque, montagne de pognon, nouvelle vie dans un pays exotique, long farniente et beaucoup de dope (comme nous le rappelaient Fufu et Roro sur Couleur 3 : “La drogue, c’est de la merde. Surtout quand il n’y en a plus”). Contre toute attente, ils vont aller loin ! C’est bien barré, porté par un style vif – ça m’a d’ailleurs rappelé le Ravalec de Cantique de la racaille. Une très bonne surprise.
- Sainte-Croix-les-Vaches, par Vincent Ravalec, 2020, Les Poches du Diable, 256 pages.
- Ils sont tous morts, par Antoine Jaquier, 2023, Les Poches du Diable, 272 pages.